Il est possible de léguer un bien indivis, y compris lorsque celui-ci dépend d’une indivision post-communautaire. Toutefois, l’efficacité réelle de ce legs est conditionnée par les résultats du partage entre les coïndivisaires, sauf si la volonté du testateur est interprétée comme imposant à ses héritiers de transférer au légataire la pleine propriété du bien.
Bien que le testateur ne soit pas seul propriétaire du bien légué, il détient néanmoins des droits réels sur celui-ci. Dès lors, le legs d’un bien indivis ne peut être assimilé à une tentative de disposition d’un bien appartenant à autrui.
Référence : Cass. 1re civ., 6 mars 2024, n° 22-13.766, JurisData n° 2024-002827.
Cas d’espèce : contestation de la validité du testament
Dans une affaire récente, un testament olographe du 13 décembre 2015 avait légué des biens immobiliers relevant d’une indivision issue de la dissolution de la communauté entre le testateur et son épouse prédécédée. La cour d’appel avait annulé ce legs, estimant que le testateur ne pouvait disposer seul de ces biens, encore soumis à une indivision avec ses enfants en tant qu’héritiers de leur mère.
Cependant, la Cour de cassation a cassé cette décision, rappelant que le caractère indivis d’un bien n’interdit pas sa transmission par voie de legs. La cour d’appel avait erré en assimilant le bien indivis à la propriété exclusive d’un tiers.
Validité et réalisation du legs : deux approches
Le legs d’un bien indivis est valide en principe, mais sa mise en œuvre peut se heurter à des contraintes pratiques, selon deux cas distincts :
- Léguer une quote-part indivise :
Un indivisaire peut léguer sa part du bien indivis. Le légataire devient alors copropriétaire et peut participer au partage ultérieur. - Léguer le bien dans son intégralité :
Si le testateur lègue le bien indivis lui-même, la réalisation du legs dépend du partage. Si le bien est attribué à un autre indivisaire lors du partage, le legs devient caduc, faute d’objet. Cette solution stricte peut entraîner une frustration pour le légataire.
Pour éviter cette caducité, les juges du fond reconnaissent souvent dans ces cas l’existence d’une obligation implicite pour les héritiers de garantir la pleine propriété du bien au légataire. Ce mécanisme permet de respecter au mieux la volonté du testateur, même dans un contexte de partage complexe.
Me Elisabeth HANOCQ – Avocat au Barreau d’AVIGNON – Cour d’appel de NIMES – Droit des successions