L’achat d’un bien par un agent immobilier : que dit la loi ?
L’article 1596 du Code civil interdit formellement à un agent immobilier mandaté pour la vente d’un bien de l’acquérir, que ce soit en son nom propre ou par l’intermédiaire d’un tiers.
La déontologie de la profession renforce cette interdiction. Un agent immobilier s’engage à ne pas acheter, même indirectement, un bien pour lequel il a un mandat. Cela inclut toute acquisition par un proche ou par une structure dans laquelle il détient une participation (C. déont. art. 9°).
Dans un dossier récent, une SCI vend un bien à un couple par l’intermédiaire d’une agence immobilière. Cette agence est gérée par le fils des acquéreurs et fonctionne sous forme de société.
La SCI décide alors d’attaquer en justice. Elle demande l’annulation de la vente pour violation de l’article 1596 du Code civil. Elle réclame aussi des dommages-intérêts pour un prétendu manquement de l’agence à son devoir de conseil.
La décision de la Cour de cassation
Après un premier jugement (Cass. 3e civ. 16 mai 2019, n° 18-17772), la Cour de cassation se prononce à nouveau en décembre 2021. Elle rejette les demandes de la SCI, en se fondant sur deux arguments principaux :
- Connaissance des liens familiaux
La SCI était informée de la relation entre les acquéreurs et le gérant de l’agence. Ce lien figurait clairement dans la promesse de vente. - Absence d’interposition
Le bien n’a pas été acquis au profit de l’agence ni du fils des acquéreurs. Ces derniers ont acheté le bien pour leur usage personnel, dans l’objectif de compléter leur retraite. Ils ont encaissé les loyers, géré directement les conflits locatifs, notamment les impayés, et assumé toutes les responsabilités afférentes.
Ainsi, pour la Cour, la vente a été réalisée au bénéfice exclusif des acquéreurs nommés dans l’acte de vente, sans interposition d’un tiers (Cass. 3e civ. 8 déc. 2021, n° 20-21841).
Cette décision rappelle que l’interdiction prévue par l’article 1596 du Code civil doit s’appliquer strictement. Toutefois, la présence de liens familiaux entre un agent immobilier et un acquéreur ne suffit pas, à elle seule, à rendre une vente nulle. Pour qu’une telle nullité soit prononcée, il faut démontrer une réelle interposition ou un contournement des règles.
Me Elisabeth HANOCQ – Avocat au Barreau d’AVIGNON – Cour d’appel de NIMES – Droit immobilier – Mandat