Litige successoral : une affaire devant la cour d’appel de Caen
Madame Simonne M., veuve Q., est décédée le 8 février 2011. Elle laisse derrière elle deux enfants : Joël et Sylvie.
La succession n’ayant pas été réglée à l’amiable, Joël Q. a assigné sa sœur Sylvie en justice. Par acte d’huissier du 11 avril 2013, il a saisi le tribunal de grande instance de Caen. Il demandait l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession, ainsi que le rapport de certaines sommes perçues par sa sœur.
Le tribunal, par un jugement du 28 janvier 2019, a ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage. Maître Claire L., notaire, a été désignée pour y procéder. Un appel a ensuite été interjeté.
Une donation-partage et des virements contestés
Sylvie est devenue propriétaire d’une maison appartenant à sa mère par une donation-partage de janvier 2008. Avant cela, sa mère vivait chez elle depuis février 2005 et lui versait chaque mois 1 000 euros à partir de décembre 2006.
Le tribunal a constaté que ces virements n’étaient pas justifiés par une contrepartie jusqu’en janvier 2008. Ils ont été qualifiés de donation indirecte. Cette intention libérale était confirmée par un testament rédigé en faveur de Sylvie en 2006.
Pour la période postérieure, jusqu’au décès de Simonne M., ces versements excédaient le coût réel de l’hébergement et des charges. Le montant de 1 000 euros par mois dépassait largement les frais engagés, compte tenu de la participation de la défunte à d’autres dépenses communes. L’intention libérale de la mère a donc été retenue, et la somme totale rapportable à la succession a été fixée à 31 700 euros.
L’occupation d’un bien immobilier
Sylvie avait occupé la maison de sa mère entre août 1989 et janvier 2008 sans payer de loyer. À partir de 2001, elle en détenait la nue-propriété, sa mère conservant l’usufruit.
Cependant, le tribunal n’a pas retenu l’existence d’une donation indirecte pour cette période. Sylvie et son mari avaient réalisé d’importants travaux de rénovation dès 1996 (toiture, menuiseries, volets roulants, cuisine équipée). Ces améliorations avaient été prises en compte lors de la donation-partage. Cette occupation gratuite avait donc une contrepartie suffisante, excluant toute intention libérale.
Décision de la cour d’appel
Par arrêt du 7 décembre 2021, la cour d’appel de Caen a confirmé que seule une libéralité prouvée pouvait être rapportée à la succession. Cette preuve repose sur l’intention de gratifier un héritier et peut être apportée par tout moyen.
Ainsi, les sommes virées et les avantages jugés excessifs en faveur de Sylvie ont été partiellement réintégrés dans la succession.
Cour d’appel de Caen, 1re chambre civile, 7 décembre 2021, RG n° 19/01123.
Maître Elisabeth HANOCQ, Avocat au Barreau d’AVIGNON, Cour d’appel de NIMES – Droit de des successions