Précisions sur les servitudes de vue
Servitude de vue : rappel des règles légales et application par la Cour d’appel de Paris
L’article 678 du Code civil interdit d’avoir des vues droites, fenêtres ou saillies (comme des balcons) donnant sur la propriété voisine, qu’elle soit close ou non. Cette interdiction s’applique si la distance entre le mur où se trouve l’ouverture et la limite du fonds voisin est inférieure à 1,90 mètre. Une exception existe : si une servitude est déjà constituée au profit du fonds bénéficiaire, empêchant ainsi l’édification de nouvelles constructions.
De même, selon l’article 679 du Code civil, les vues obliques ou latérales ne peuvent exister si la distance entre l’ouverture et la propriété voisine est inférieure à 60 centimètres.
Une condition essentielle : la possibilité de voir sans effort
Dans un arrêt récent, la Cour d’appel de Paris a précisé une condition indispensable pour caractériser une servitude de vue : il doit être possible de regarder le fonds voisin de manière constante, normale et sans effort particulier.
Dans cette affaire, les deux ouvertures contestées présentaient des caractéristiques très précises. Chaque ouverture disposait de deux ouvrants oscillo-battants, séparés par une barre métallique verticale. Elles étaient situées dans une embrasure de 29 centimètres et mesuraient 91 centimètres de hauteur à l’intérieur du dormant. Leur partie inférieure était positionnée à une hauteur comprise entre 1,90 mètre et 1,99 mètre du sol.
Absence de servitude de vue
La Cour a conclu que ces ouvertures ne pouvaient pas être qualifiées de servitudes de vue. En effet, regarder le fonds voisin exigeait un effort particulier, comme se hisser sur un marchepied ou une estrade. Cette configuration écarte l’idée d’une vue directe et constante pour des personnes de taille habituelle.
La Cour a donc requalifié ces ouvertures en « jours de souffrance ». Cette décision reste valable, même si les conditions des articles 676 et 677 du Code civil, relatifs aux jours de souffrance, n’étaient pas strictement remplies.
Cour d’appel de Paris, Pôle 4, chambre 2, 12 octobre 2022, RG n° 15/09966.
Me ELISABETH HANOCQ – AVOCAT AU BARREAU D’AVIGNON – COUR D’APPEL DE NIMES – DROIT IMMOBILIER