Prescription de l’action en responsabilité de la caution à l’encontre de la banque : Précision sur la mise en demeure non réclamée
Lorsqu’une banque appelle une caution en garantie, elle doit préalablement mettre celle-ci en demeure d’exécuter son engagement, c’est-à-dire de payer à la place du débiteur principal. Cette mise en demeure constitue un élément clé pour le début du délai de prescription de l’action que la caution peut exercer à l’encontre de la banque, notamment en invoquant des manquements à son obligation de mise en garde ou une disproportion des engagements.
La Cour de cassation a récemment clarifié une question importante : quel est le sort de la prescription lorsque la mise en demeure adressée par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) n’est pas récupérée par la caution ?
Les faits de l’affaire
Dans cette affaire, une banque avait accordé deux prêts immobiliers à une SCI, garantis par le cautionnement d’une personne physique. Face à des défauts de paiement, la banque avait adressé en 2009 une mise en demeure à la caution par LRAR. Toutefois, la lettre n’avait pas été réclamée, et le courrier était revenu à la banque avec la mention « non réclamé – retour à l’envoyeur ».
Par la suite, la banque avait prononcé la déchéance du terme, procédé à la vente forcée du bien et mis en œuvre une saisie-vente pour récupérer le solde restant dû. La question litigieuse portait alors sur la prescription de l’action en responsabilité engagée par la caution contre la banque.
L’argument de la banque et la position de la Cour de cassation
La banque soutenait que l’action en responsabilité de la caution était prescrite, au motif que le délai de prescription avait commencé à courir à la date d’envoi de la LRAR, même si celle-ci n’avait pas été récupérée par la caution.
Dans sa décision, la Cour de cassation a rappelé deux principes essentiels :
- Le point de départ de l’action en responsabilité : Le délai de prescription de cinq ans commence à courir à partir du moment où la caution a connaissance de l’exécution de son engagement en raison de la défaillance du débiteur principal. Cette connaissance résulte de la mise en demeure qui lui est adressée.
- La validité de la mise en demeure : Le fait que la lettre recommandée n’ait pas été retirée par la caution n’affecte pas sa validité. Dès lors que la mise en demeure est adressée, elle produit ses effets, y compris pour faire courir le délai de prescription.
La Cour a précisé que la mise en demeure peut prendre plusieurs formes à condition de constituer une interpellation suffisante : une sommation, une lettre missive claire ou encore l’effet d’une clause prévue dans la convention de cautionnement.
Conséquences pour les cautions
Cette décision est d’une importance capitale pour les cautions. Elle signifie que le délai de prescription de leur action en responsabilité à l’encontre de la banque commence à courir dès l’envoi de la mise en demeure, même si celle-ci n’a pas été effectivement reçue. Ainsi, il est primordial pour les cautions de réagir dès qu’elles sont informées d’une telle procédure afin de ne pas se retrouver prescrites.
Cour de cassation, 1ère chambre civile, 11 janvier 2023, n° 21-23.957, F-B.
Maître Elisabeth HANOCQ – Avocat au Barreau d’AVIGNON – Cour d’appel de NIMES – Droit des contrats