Saisie immobilière : que devient le bail consenti par le débiteur saisi ? – Avocat à Avignon

Lorsqu’un bien immobilier fait l’objet d’une saisie suivie d’une vente aux enchères, le sort du bail conclu par le débiteur saisi soulève souvent des questions juridiques complexes. Une affaire récente a permis d’éclaircir certains points à ce sujet.

Le contexte du litige

Un bien immobilier saisi a été vendu aux enchères, mais un locataire, se prévalant d’un bail signé avant l’audience d’adjudication, a continué à occuper les lieux. Après la vente, la nouvelle propriétaire (l’adjudicataire) a conclu avec ce locataire un document qualifié « d’avenant » au bail d’habitation, dans lequel le locataire s’engageait à quitter les lieux dans un certain délai.

Par la suite :

  • Le locataire a contesté cet avenant, demandant sa nullité et le remboursement des loyers versés.
  • La nouvelle propriétaire a répliqué en saisissant le tribunal, demandant à ce que le locataire soit reconnu comme occupant sans droit ni titre et sollicitant son expulsion.

La décision du tribunal

Le Tribunal de Libourne a annulé l’avenant au motif qu’il contrevenait aux dispositions d’ordre public de la loi du 6 juillet 1989, qui encadre strictement les baux d’habitation.

L’adjudicataire a alors fait appel, faisant valoir que les baux consentis par le débiteur après la saisie immobilière sont inopposables aux créanciers et à l’acquéreur. Ils jugent également que le bail en question, signé en avril 2016, avait été conclu postérieurement au commandement aux fins de saisie immobilière, notifié dès 2014.

L’analyse des juges d’appel

La Cour d’appel de Bordeaux a confirmé que l’adjudicataire aurait pu, dès l’adjudication, faire expulser le débiteur saisi et les occupants en raison de l’inopposabilité du bail. Cependant, elle a relevé que :

  • En concluant un avenant avec le locataire, puis en lui délivrant un congé, la nouvelle propriétaire avait reconnu implicitement la validité du bail.
  • Cette attitude révélait une renonciation tacite à se prévaloir de l’inopposabilité du bail, renonciation qui, bien que rarement admise par les juges, était ici dénuée d’ambiguïté.

Points clés à retenir

  1. Les baux postérieurs à une saisie immobilière : En principe, les baux conclus après un commandement aux fins de saisie sont inopposables aux créanciers et à l’adjudicataire.
  2. Renonciation tacite : Une renonciation implicite à invoquer cette inopposabilité peut être reconnue si l’attitude de l’acquéreur est claire et sans équivoque, comme en l’espèce.
  3. Dispositions d’ordre public : Toute modification ou avenant à un bail d’habitation doit respecter les règles d’ordre public de la loi du 6 juillet 1989.

Cette affaire illustre l’importance, pour les adjudicataires, de clarifier dès l’adjudication leur position quant aux baux existants ou postérieurs. La prudence et un accompagnement juridique adapté sont essentiels pour éviter des litiges liés aux droits des occupants.

Référence jurisprudentielle :
CA Bordeaux, 1re ch., 29 juin 2023, n° 21/05194, JurisData n° 2023-011837


Maître Elisabeth HANOCQ – Avocat au Barreau d’AVIGNON – Cour d’appel de NIMES – Droit immobilier – Adjudications – saisies immobilières

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