Validité du testament olographe : le rôle des éléments intrinsèques et extrinsèques

Un testament olographe, bien qu’établi sans date manuscrite, peut échapper à la nullité si des éléments intrinsèques à l’acte permettent de déterminer la période pendant laquelle il a été rédigé. Ces éléments peuvent être renforcés par des éléments extrinsèques, à condition qu’aucune incapacité du testateur ni aucun testament révocatoire ou contradictoire ne soient établis durant cette période. La Cour de cassation a ainsi reconnu qu’une date pré-imprimée sur le support employé pour la rédaction d’un testament peut constituer un élément intrinsèque permettant d’établir sa validité.

Les faits de l’affaire

Dans l’affaire en question, un héritier se prévalait d’un testament olographe rédigé par le défunt au verso d’un relevé de compte bancaire. Le document était signé mais ne portait pas de date manuscrite. Le frère du légataire universel a alors saisi la justice pour obtenir la nullité du testament.

La cour d’appel, s’appuyant sur deux éléments intrinsèques — la date pré-imprimée à laquelle le relevé de banque était établi (31 mars 2014) et l’adresse du domicile du défunt figurant sur le document — ainsi que sur un élément extrinsèque — la date d’hospitalisation de la défunte (27 mai 2014) —, a conclu que le testament avait été rédigé entre ces deux dates. De plus, il n’était pas démontré que la défunte était dans l’incapacité de tester ou avait rédigé un testament contradictoire durant cette période. La cour d’appel a donc validé le testament malgré l’absence de date manuscrite.

La décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation a confirmé cette analyse dans son arrêt du 22 novembre 2023 (n° 21-17.524). Elle a jugé que, bien que non daté, un testament olographe peut être considéré comme valide si des indices contenus dans l’acte lui-même (éléments intrinsèques) permettent d’en situer la rédaction dans une période précise, et si ces indices sont confirmés par des éléments extérieurs (éléments extrinsèques). En outre, une date pré-imprimée sur le support du testament peut servir d’indice intrinsèque suffisant pour déterminer cette période.

Principes à retenir

  1. Absence de date manuscrite : Un testament olographe sans date manuscrite n’est pas automatiquement nul si des indices permettent de déterminer la période de sa rédaction.
  2. Rôle des éléments intrinsèques et extrinsèques : Les éléments contenus dans le document lui-même peuvent être complétés par des preuves extérieures pour valider le testament.
  3. Incapacité ou contradictions : La nullité ne peut être prononcée que s’il est démontré que le testateur était dans l’incapacité de tester ou avait rédigé des dispositions incompatibles au cours de la période présumée de rédaction.

Cet arrêt renforce la souplesse du régime juridique des testaments olographes en reconnaissant que des éléments tels qu’une date pré-imprimée peuvent suffire à établir leur validité. Cela souligne l’importance d’évaluer les actes de dernières volontés dans leur contexte, en prenant en compte tous les indices pertinents. Les héritiers et leurs conseils juridiques doivent donc analyser minutieusement l’ensemble des éléments fournis avant d’envisager une action en nullité.

Maître Elisabeth HANOCQ – Avocat AVIGNON – Cour d’appel de NIMES – Droit des successions

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