Quel est le sort de la prestation compensatoire au décès du débiteur ? Lorsqu’un ex-époux débiteur d’une prestation compensatoire décède, le paiement de cette prestation incombe à ses héritiers, sauf s’ils choisissent de renoncer à la succession.
Règles générales :
- Exigibilité immédiate : Le solde de la prestation compensatoire devient immédiatement exigible, qu’elle soit versée en capital ou sous forme de rente.
- Prélèvement sur l’actif successoral : La prestation compensatoire est d’abord prélevée sur les biens de la succession. Les héritiers ne sont tenus de la régler sur leurs fonds propres que si l’actif successoral est insuffisant.
- Maintien des conditions de règlement : Les héritiers peuvent, par acte notarié, décider de conserver les modalités de paiement fixées avant le décès. Cet acte doit être notifié à l’ex-époux créancier si ce dernier n’est pas présent lors de la signature.
Exceptions spécifiques :
- Si l’actif successoral ne suffit pas, les héritiers doivent payer sur leurs fonds propres, mais ils conservent la possibilité de solder à tout moment le capital restant dû.
- Les héritiers peuvent demander une révision des modalités de paiement.
- Pour les rentes viagères fixées avant la loi de 2000 et en l’absence de partage définitif de la succession au 1ᵉʳ janvier 2005, ces rentes ne peuvent être suspendues ou supprimées. Elles doivent être capitalisées et réglées sur la succession.
Cas d’espèce : révision d’une rente viagère
Un homme, divorcé en 1996, avait été condamné à verser une prestation compensatoire sous forme de rente viagère mensuelle. À son décès en 2012, la représentante légale de ses enfants mineurs a demandé la suppression de cette rente, invoquant un avantage manifestement excessif au profit de l’ex-épouse et des enfants issus de cette précédente union.
Décision des juges d’appel :
La Cour d’appel a accueilli cette demande, se fondant sur les dispositions de la loi du 26 mai 2004 (article 33, VI), permettant la révision ou la suppression d’une rente viagère fixée avant la réforme de 2000 en cas d’avantage disproportionné.
Arrêt de la Cour de cassation :
La Cour de cassation a cassé cette décision, en rappelant que :
- Lorsque la succession du débiteur n’a pas été partagée au 1ᵉʳ janvier 2005 (date d’entrée en vigueur de la réforme de 2004), et en l’absence d’un accord entre les héritiers pour maintenir les modalités de paiement sous forme de rente, cette dernière doit être capitalisée.
- En conséquence, une action en révision ou suppression de la rente devient irrecevable (articles 280 et 280-1 du Code civil dans leur rédaction issue de la loi de 2004).
Référence : Cass. 1re civ., 21 juin 2023, n° 21-17.077 F-B
Me Elisabeth HANOCQ – Avocat au Barreau d’AVIGNON – Cour d’Appel de NIMES – Droit des successions