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Bail d'habitation : Etat des lieux en l'absence de mandat
En vertu de l’article 3-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, l’état des lieux doit, en principe, être établi contradictoirement et à l’amiable par les deux parties ou par un tiers mandaté par elles. À défaut, la loi exige le recours à un commissaire de justice. Dans un arrêt récent du 3 juillet 2025 (Cass. 3e civ., n° 24-13.219), la Cour de cassation rappelle avec rigueur cette exigence. Dans cette affaire, un bailleur avait assigné un locataire — placé sous curatelle — et sa curatrice, pour obtenir réparation de prétendues dégradations constatées à la restitution des lieux. Le bailleur soutenait que l’état des lieux de sortie, bien que non signé par le locataire lui-même, faisait foi. Or, le tribunal avait retenu que le document avait été signé par une personne se présentant comme le père du locataire, sans que ni son identité, ni un mandat écrit ne soient établis. La Cour de cassation valide cette appréciation : faute de preuve d’un mandat, l’état des lieux ne pouvait être considéré comme contradictoire et, en conséquence, n’était pas opposable au locataire. La Cour précise que le bailleur ne pouvait se contenter des factures produites pour prouver les dégradations : l’obligation de preuve incombe avant tout à celui qui invoque les défauts, et cette preuve doit s’appuyer sur l’état des lieux, ou à défaut sur un acte de commissaire de justice dûment établi. En l’espèce, l’absence de preuve du mandat avait désormais rendu inopposable l’état des lieux à l’égard du locataire. Le pourvoi du bailleur est rejeté. Analyse juridique et enseignements pratiques : Primauté du caractère contradictoireL’arrêt confirme que le caractère contradictoire de l’état des lieux n’est pas optionnel : il s’agit d’une condition de validité. Lorsqu’un tiers signe à la place du locataire, il faut que son mandat (et son identité) soient établis. Recours obligatoire au commissaire de justice en cas de manquementSi les parties ne parviennent pas à établir l’état des lieux en présence ou par mandataire fiable, le recours à un commissaire de justice est impératif. Toute tentative de justification ultérieure est insuffisante. Charge de la preuve et limite des facturesLe bailleur ne peut se prévaloir des factures de réparation sans disposer, en préalable, d’un état des lieux valablement opposable. La Cour rappelle que la preuve des dégradations doit résulter d’un document établi dans les formes légales. Absence du locataire non toujours imputableLe bailleur ne peut pas se satisfaire du fait que le locataire ne se présente pas : il doit démontrer qu’il a tenté de garantir le caractère contradictoire de l’acte. L’arrêt laisse entendre que l’absence du locataire ne justifie pas automatiquement l’irrégularité, mais qu’elle ne dispense pas du respect des exigences légales (notamment du mandat). Avant d’accepter qu’une tierce personne signe l’état des lieux, exigez une preuve écrite du mandat (lettre, procuration, pouvoir notarié, etc.). En cas de doute ou d’impossibilité d’organiser la présence simultanée des parties, faites établir l’état des lieux par un commissaire de justice, afin d’éviter tout risque d’inopposabilité. Me Elisabeth HANOCQ – Avocat au Barreau d’AVIGNON – Cour d’appel de NIMES – Droit immobilier